Le système capitaliste, que l'on peut définir autour des échanges, dépend d'un autre système dont il a besoin pour fonctionner : le système monétaire. Parfois, quand les gouvernements interviennent, cette intervention fausse les relations entre le capitalisme et la monnaie, entraînant des dysfonctionnements. Il faut, pour comprendre le fonctionnement du système monétaire, essayer de le décrire.
Les deux clés du système monétaire, en lien avec la production de biens et de services caractérisant le capitalisme, sont : la géographie (où s'origine la production), et le taux (qui s'inscrit dans une temporalité). La notion de géographie est plus facile à comprendre que celle de taux, en raison notamment d'un mécanisme, complexe, d'incitation sur la demande. En fait, les taux d'intérêt régissent toute l'économie mondiale.
Les taux ont une incidence sur tous les secteurs d'activité, donc non seulement sur l'immobilier. Pour comprendre les taux de change, il ne faut pas simplement s'en tenir à ceux qui apparaissent sur le cours de la journée : il faut y inclure les taux d'intérêt. Fondamentalement, les taux d'intérêt interviennent comme compensation par rapport à l'incertitude du futur. C'est une intégration du temps dans le calcul économique.
Si les taux d'intérêt sont à zéro, cela signifie qu'il n'y a pas de différence entre un euro que nous gagnons aujourd'hui et un euro que nous gagnerons dans dix ans. Or, si nous devons choisir entre un euro que nous pouvons avoir aujourd'hui et un euro que nous pouvons avoir dans dix ans, nous choisissons évidemment celui que nous pouvons avoir aujourd'hui. C'est encore pire quand les taux sont négatifs.
Le futur, en effet, n'est pas censé avoir davantage de certitude que le présent, puisque le futur est inconnaissable. On a donc manipulé les taux d'intérêt pour obtenir des résultats dont on pensait qu'ils allaient être favorables, avec un résultat contraire aux attentes. Notre crise n'est pas une crise temporaire, c'est une crise de compréhension du système par les soi-disant élites, qui ont fait de mauvais calculs.
Autant demander à des hommes sortis de l'âge de pierre de réparer un moteur d'avion. D'où l'importance des explications pour comprendre comment le système fonctionne. Prenons un exemple : pourquoi ne jamais recommander le franc suisse ? C'est un placement pérenne, mais pas forcément intéressant. En 1994, il fallait deux francs suisses pour acheter une livre sterling ; vingt ans plus tard, il n'en faut plus qu'un.
La livre sterling, par conséquent, a beaucoup baissé par rapport au franc suisse. On peut parler d'une hausse structurelle du franc suisse. Faut-il, pour autant, avoir toujours des francs suisses ? Oui et non. Parce que la livre sterling, en termes de taux d'intérêt, demeure plus payante que le franc suisse. Ainsi, 100 livres sterling placées en 1994 rapportent 143 livres de plus vingt ans plus tard (mieux que le dollar).
Maintenant, si l'on corrige les taux de change en fonction des taux d'intérêt (par exemple à l'aide de MacroBond et d'une mise en graphique), qu'obtient-on ? En fait, on s'aperçoit que les marchés des changes se donnent du mal pour que les taux de change ajustés des taux d'intérêt ne bougent pas (sinon tout le monde passerait par une monnaie faible pour acheter une monnaie forte), d'où une efficience.
Il ne faut acheter une monnaie que quand elle est en divergence significative par rapport à cet équilibre naturel recherché par les marchés. Il ne faut pas se laisser berner par le spot, le taux de change du jour. Quand un pays choisit une monnaie faible, les marchés vont demander à ce pays des taux d'intérêt plus élevés, de sorte qu'un gain avec un taux de change soit compensé en termes de taux d'intérêt.
Les politiques essayant de manipuler ce système ne se rendent pas compte qu'ils introduisent un effet contraire au bénéfice qu'ils sont censés obtenir. Après deux cents ans de capitalisme, ils continuent à donner des explications erronées (comme, par exemple, quand ils disent que le recul de l'industrie en France serait dû, selon eux, à un euro trop fort, alors que le responsable est un État trop coûteux).
La France n'est pas compétitive, car son État n'est pas compétitif. Ce qui tue nos entreprises, c'est le fait que la France, en 2023, compte deux fois plus de fonctionnaires par dix mille habitants que l'Allemagne. Ce phénomène n'a donc rien à voir avec la mondialisation, et se situe davantage du côté de l'euro. Si vous avez une idée que vous savez juste et impopulaire, il faut la proposer, car vous restez cohérent.
Un autre point plus difficile à comprendre concerne les systèmes obligataires et la façon dont les marchés obligataires s'adaptent aux taux d'intérêt qui montent et qui baissent. C'est la notion de valeur actualisée. C'est, avec la comptabilité en partie double (qui a permis le développement de toutes les affaires), un des deux outils de gestion essentiels qu'il faut connaître quand on s'intéresse à l'économie.
Revenons à l'exemple donné plus haut. Quand on a un euro aujourd'hui et que l'on réfléchit à ce qu'il vaudra dans dix ans, il faut comprendre que sa valeur variera de façon extraordinaire selon les taux d'intérêt qui seront appliqués à terme. Si les taux d'intérêt sont à 7, pour avoir un euro au bout de dix ans il faut commencer par investir cinquante centimes (en capitalisant, on double en dix ans).
On applique la règle des soixante-douze. Si l'on veut doubler son capital avec des taux d'intérêt à 7, combien de temps cela prendra-t-il ? En divisant soixante-douze par sept et en arrondissant, on obtient dix, donc dix ans. Cela fonctionne aussi dans l'autre sens. Si j'ai besoin de cent dans dix ans, combien investir ? Cinquante, car soixante-douze divisés par dix s'arrondissent à sept, et 7 x 7 = 49, arrondis à 50.
Si les taux d'intérêt montent, il va falloir moins de temps pour doubler. Si les taux d'intérêt baissent, il va falloir plus de temps pour doubler. La notion de taux d'intérêt capitalisé est une notion importante et qui, il fut un temps, était suivie par les actuaires (à ne pas confondre avec les agents de change, dont le travail consiste à expliquer quelles valeurs il faut acheter). L'actuariat est une science, qui rapporte encore.
On utilise des matrices avec les taux d'intérêt d'un côté, le temps qu'il faut pour doubler de l'autre côté. Quand on n'avait pas de tableur pour effectuer rapidement les calculs, on se basait sur la version manuscrite de ces matrices, ou les actuaires employaient de vieilles machines à calculer. Arriver à transformer un taux d'intérêt en cours d'obligation représente toujours, potentiellement, une source de profit.
L'importance de cette transformation en économie se résume à la capacité de faire avancer ou reculer le temps en fonction des taux d'intérêt. Plus les taux sont bas, plus on est amené à chercher la rentabilité loin dans le futur. Plus les taux sont élevés, plus on peut se contenter d'une rentabilité immédiate. On représente par des graphiques la relation entre taux d'intérêt et cours des obligations.
Entre mars et septembre 2020, les taux d'intérêt étaient à 0,5 sur dix ans aux États-Unis. Soit, avec ces taux d'intérêt, un portefeuille obligataire à cent environ. Les taux d'intérêt sont passés depuis à 3,6 : on a évolué de trois cents points de base, et les obligations du portefeuille sont passées de cent trois à soixante-dix-neuf virgule six, d'où une perte que l'on peut arrondir à vingt pour cent.
Quand les taux montent, les obligations baissent. Il faut comprendre cette notion, selon laquelle les taux d'intérêt font avancer ou reculer le futur. Les keynésiens n'arrêtent pas de penser au risque d'un manque de croissance. Comme il n'y a pas assez de croissance selon eux, ils font baisser les taux d'intérêt pour aller prendre la croissance de demain, si bien que plus personne n'investit avec un risque dans dix ans.
On aboutit, à cause des taux zéro, à une mauvaise allocation du capital, lequel se retrouve dans les mêmes biens surcotés, notamment immobiliers. Le présent devient surévalué, le futur sous-évalué (voire, à terme, inexistant, car n'entrant plus en compte dans les calculs économiques et politiques). D'où Emmanuel Macron qui, en l'espace de deux ans, veut rouvrir les centrales nucléaires qu'il voulait fermer.
La notion de taux d'intérêt a été capturée par le personnel politique, de façon à favoriser le court terme en vue d'une réélection à court terme. Plus personne ne prend alors en compte le long terme, sauf, à la rigueur, dans la perspective de la réélection d'après. Encore faut-il avoir un mandat possible. Toujours est-il que la manipulation des taux d'intérêt favorise la survalorisation du présent au détriment du futur.
Des taux d'intérêt élevés permettent au contraire au capital d'aller vers les biens qui ont une rentabilité très forte, mais un peu plus tard. Dans les années 1978-1982, l'inflation était à 12, 13, 14 aux États-Unis. Erreur de l'époque : bloquer le crédit, considérant qu'il y en avait trop (voir aussi le contrôle du crédit en France sous Valéry Giscard d'Estaing), d'où une récession et une baisse panique des taux d'intérêt.
L'économie repartait avec l'accès au crédit, d'où l'inflation évoquée à l'instant, à laquelle Paul Volcker (le président de la Réserve fédérale à l'époque) répondit par des taux d'intérêt à 20 sur le court terme, les taux sur les obligations à dix ans étant à 15. Le marché des obligations avait explosé : une obligation qui valait cent à 8 % valait cinquante peu après, alors que le marché obligataire sert à sécuriser.
C'est sur le marché obligataire, en effet, que repose la garantie des compagnies d'assurance et du paiement des retraites. D'où, dans l'exemple donné, un véritable krach obligataire. Un zéro-coupon ne permettant pas au détenteur de l'obligation de percevoir de coupon pendant la vie du titre, on peut subir une volatilité qui, cependant, se réduit au fur et à mesure que l'on s'approche de l'échéance.
La comptabilité en partie double et l'escompte permettent, en résumé, de comprendre le fonctionnement du système. Le taux d'intérêt étant, d'après tous les bons économistes, le prix auquel l'offre d'épargne et la demande d'épargne se retrouvent, c'est aussi le mécanisme qui empêche les mauvais gérants d'accéder au capital. Donc, avec des taux d'intérêt à zéro, on fait barrage à la création destructrice.
Les taux d'intérêt à zéro sont l'équivalent de l'absence du cœur du capitalisme, qui est dans le fond un système darwinien : si l'on constitue des stocks pour des affaires vouées à disparaître, on entre dans un système où il n'y a plus le mécanisme permettant l'allocation rationnelle du capital, car l'allocation se fait en fonction soit d'une richesse déjà possédée, soit des politiques. Dans les deux cas, le capitalisme bugge.
À quoi sert l'épargne ? Elle sert à payer des gens qui, pendant un temps assez long, ne vont rien faire de rentable avant que ne soit bâtie une centrale nucléaire. On imagine l'épargne comme un phénomène monétaire, mais en contrepartie certains sont payés par l'épargne pour nous permettre de devenir plus riches plus tard. Si l'épargne baisse, cette capacité d'approfondissement capitalistique n'a plus lieu.
La notion d'approfondissement capitalistique est également importante. Il faut mettre de l'argent de côté pour être en mesure de payer des gens qui, par leur travail, mettent en place une affaire qui deviendra ensuite rentable. En diminuant l'épargne d'un côté, on porte atteinte à l'emploi de l'autre, d'où une baisse de la productivité ainsi qu'un appauvrissement général, caractérisé par l'absence de création de richesse.
La notion d'épargne est certes financière, mais aussi en lien avec la rémunération du travail. La plus grosse épargne financière résidait dans notre système éducatif : on payait des jeunes pendant vingt ou vingt-cinq ans pour qu'ils deviennent des ingénieurs de qualité ; maintenant, quand le cas se présente, on assiste à une fuite des cerveaux. Les formations sans débouché consomment l'épargne et ne rapportent rien.
Si, d'un côté, on fait baisser la valeur de l'épargne en mettant les taux d'intérêt à zéro (ce qui n'est pas incitatif), et que, d'un autre côté, on utilise le stock d'épargne pour financer des formations qui ne débouchent sur aucun travail, alors la baisse de la croissance se confirme. Le système suisse considère entre 20 et 25 % de formations à valeur ajoutée, le reste des jeunes étant formé le plus tôt possible en entreprise.
L'idée selon laquelle tout le monde doit suivre des études jusqu'à dix-huit ans revient à dire que l'épargne est gaspillée, car employée pour des profils qui ne savent pas l'utiliser. Une des réussites de la Suisse est d'avoir su monter un système où l'épargne la plus importante va certes dans l'éducation, mais de façon rentable. Les taux d'intérêt ne doivent pas être manipulés par des politiques qui n'y connaissent rien.
En manipulant les taux d'intérêt à la baisse en France, on arrive à une situation où tous ceux qui allaient être payés par le produit de l'épargne se retrouvent sans travail. Penser que la baisse des taux d'intérêt permet de relancer la consommation est une erreur, car on aboutit à des faillites, sans compter le service de la dette : augmenter les taux pour rembourser la dette rend l'économie ingérable.
Contrairement aux États-Unis, qui peuvent dévaluer le dollar, en France on est bloqué avec l'euro. Et même si les taux d'intérêt reviennent à 7, il faudra réformer l'État pour réduire son coût. John Menard Keynes, en réponse à ses détracteurs, disait que, à long terme, nous sommes tous morts. Mais Keynes est mort, et nous sommes dans le long terme. On impose les talents pour payer ceux qui les enterrent.
L'outil dont le gouvernement et la banque centrale se servent pour faire bugger le système capitaliste, c'est la manipulation des taux d'intérêt et des taux de change, du fait de son impact sur la demande géographique et la demande temporelle, en vue d'avantages uniquement à court terme, ce qui ne peut en aucun cas fonctionner, comme toute l'histoire le montre. On a été mené en bateau.
Il faut, si possible, constituer une épargne individuelle hors de ce système dysfonctionnel, pour se protéger de ce dernier. L'épargne française officielle, en 2023, n'a aucune valeur. Rien ne sert de manifester pour les retraites car, dans la réalité économique actuelle, on est parti pour continuer à travailler toute notre vie. Les taux d'intérêt sont bas aujourd'hui à cause de mauvaises décisions politiques.
Le gouvernement a détruit les banques, lesquelles ne peuvent plus payer de taux d'intérêt attractifs à leurs clients. Les bugs du capitalisme viennent toujours de la tentation excessivement étatiste de manipuler la géographie et le temps. Les politiques ne devraient pas avoir une telle influence sur un système monétaire qui ne relève pas de leur domaine de compétence, et cela n'a rien à voir avec le libéralisme.
On n'a pas pris de marché pour les taux d'intérêt, on n'a pas pris de marché pour les taux de change, on est incapable de contrôler la dépense étatique, et le poids de l'État dans l'économie est excessif. Il n'y a de libéralisme ni dans le pourcentage de l'État dans le PIB, ni dans les dépenses publiques, ni dans notre rapport à l'euro. Le seul pays un peu libéral est la Suisse, qui s'en porte bien.
Les deux clés du système monétaire, en lien avec la production de biens et de services caractérisant le capitalisme, sont : la géographie (où s'origine la production), et le taux (qui s'inscrit dans une temporalité). La notion de géographie est plus facile à comprendre que celle de taux, en raison notamment d'un mécanisme, complexe, d'incitation sur la demande. En fait, les taux d'intérêt régissent toute l'économie mondiale.
Les taux ont une incidence sur tous les secteurs d'activité, donc non seulement sur l'immobilier. Pour comprendre les taux de change, il ne faut pas simplement s'en tenir à ceux qui apparaissent sur le cours de la journée : il faut y inclure les taux d'intérêt. Fondamentalement, les taux d'intérêt interviennent comme compensation par rapport à l'incertitude du futur. C'est une intégration du temps dans le calcul économique.
Si les taux d'intérêt sont à zéro, cela signifie qu'il n'y a pas de différence entre un euro que nous gagnons aujourd'hui et un euro que nous gagnerons dans dix ans. Or, si nous devons choisir entre un euro que nous pouvons avoir aujourd'hui et un euro que nous pouvons avoir dans dix ans, nous choisissons évidemment celui que nous pouvons avoir aujourd'hui. C'est encore pire quand les taux sont négatifs.
Le futur, en effet, n'est pas censé avoir davantage de certitude que le présent, puisque le futur est inconnaissable. On a donc manipulé les taux d'intérêt pour obtenir des résultats dont on pensait qu'ils allaient être favorables, avec un résultat contraire aux attentes. Notre crise n'est pas une crise temporaire, c'est une crise de compréhension du système par les soi-disant élites, qui ont fait de mauvais calculs.
Autant demander à des hommes sortis de l'âge de pierre de réparer un moteur d'avion. D'où l'importance des explications pour comprendre comment le système fonctionne. Prenons un exemple : pourquoi ne jamais recommander le franc suisse ? C'est un placement pérenne, mais pas forcément intéressant. En 1994, il fallait deux francs suisses pour acheter une livre sterling ; vingt ans plus tard, il n'en faut plus qu'un.
La livre sterling, par conséquent, a beaucoup baissé par rapport au franc suisse. On peut parler d'une hausse structurelle du franc suisse. Faut-il, pour autant, avoir toujours des francs suisses ? Oui et non. Parce que la livre sterling, en termes de taux d'intérêt, demeure plus payante que le franc suisse. Ainsi, 100 livres sterling placées en 1994 rapportent 143 livres de plus vingt ans plus tard (mieux que le dollar).
Maintenant, si l'on corrige les taux de change en fonction des taux d'intérêt (par exemple à l'aide de MacroBond et d'une mise en graphique), qu'obtient-on ? En fait, on s'aperçoit que les marchés des changes se donnent du mal pour que les taux de change ajustés des taux d'intérêt ne bougent pas (sinon tout le monde passerait par une monnaie faible pour acheter une monnaie forte), d'où une efficience.
Il ne faut acheter une monnaie que quand elle est en divergence significative par rapport à cet équilibre naturel recherché par les marchés. Il ne faut pas se laisser berner par le spot, le taux de change du jour. Quand un pays choisit une monnaie faible, les marchés vont demander à ce pays des taux d'intérêt plus élevés, de sorte qu'un gain avec un taux de change soit compensé en termes de taux d'intérêt.
Les politiques essayant de manipuler ce système ne se rendent pas compte qu'ils introduisent un effet contraire au bénéfice qu'ils sont censés obtenir. Après deux cents ans de capitalisme, ils continuent à donner des explications erronées (comme, par exemple, quand ils disent que le recul de l'industrie en France serait dû, selon eux, à un euro trop fort, alors que le responsable est un État trop coûteux).
La France n'est pas compétitive, car son État n'est pas compétitif. Ce qui tue nos entreprises, c'est le fait que la France, en 2023, compte deux fois plus de fonctionnaires par dix mille habitants que l'Allemagne. Ce phénomène n'a donc rien à voir avec la mondialisation, et se situe davantage du côté de l'euro. Si vous avez une idée que vous savez juste et impopulaire, il faut la proposer, car vous restez cohérent.
Un autre point plus difficile à comprendre concerne les systèmes obligataires et la façon dont les marchés obligataires s'adaptent aux taux d'intérêt qui montent et qui baissent. C'est la notion de valeur actualisée. C'est, avec la comptabilité en partie double (qui a permis le développement de toutes les affaires), un des deux outils de gestion essentiels qu'il faut connaître quand on s'intéresse à l'économie.
Revenons à l'exemple donné plus haut. Quand on a un euro aujourd'hui et que l'on réfléchit à ce qu'il vaudra dans dix ans, il faut comprendre que sa valeur variera de façon extraordinaire selon les taux d'intérêt qui seront appliqués à terme. Si les taux d'intérêt sont à 7, pour avoir un euro au bout de dix ans il faut commencer par investir cinquante centimes (en capitalisant, on double en dix ans).
On applique la règle des soixante-douze. Si l'on veut doubler son capital avec des taux d'intérêt à 7, combien de temps cela prendra-t-il ? En divisant soixante-douze par sept et en arrondissant, on obtient dix, donc dix ans. Cela fonctionne aussi dans l'autre sens. Si j'ai besoin de cent dans dix ans, combien investir ? Cinquante, car soixante-douze divisés par dix s'arrondissent à sept, et 7 x 7 = 49, arrondis à 50.
Si les taux d'intérêt montent, il va falloir moins de temps pour doubler. Si les taux d'intérêt baissent, il va falloir plus de temps pour doubler. La notion de taux d'intérêt capitalisé est une notion importante et qui, il fut un temps, était suivie par les actuaires (à ne pas confondre avec les agents de change, dont le travail consiste à expliquer quelles valeurs il faut acheter). L'actuariat est une science, qui rapporte encore.
On utilise des matrices avec les taux d'intérêt d'un côté, le temps qu'il faut pour doubler de l'autre côté. Quand on n'avait pas de tableur pour effectuer rapidement les calculs, on se basait sur la version manuscrite de ces matrices, ou les actuaires employaient de vieilles machines à calculer. Arriver à transformer un taux d'intérêt en cours d'obligation représente toujours, potentiellement, une source de profit.
L'importance de cette transformation en économie se résume à la capacité de faire avancer ou reculer le temps en fonction des taux d'intérêt. Plus les taux sont bas, plus on est amené à chercher la rentabilité loin dans le futur. Plus les taux sont élevés, plus on peut se contenter d'une rentabilité immédiate. On représente par des graphiques la relation entre taux d'intérêt et cours des obligations.
Entre mars et septembre 2020, les taux d'intérêt étaient à 0,5 sur dix ans aux États-Unis. Soit, avec ces taux d'intérêt, un portefeuille obligataire à cent environ. Les taux d'intérêt sont passés depuis à 3,6 : on a évolué de trois cents points de base, et les obligations du portefeuille sont passées de cent trois à soixante-dix-neuf virgule six, d'où une perte que l'on peut arrondir à vingt pour cent.
Quand les taux montent, les obligations baissent. Il faut comprendre cette notion, selon laquelle les taux d'intérêt font avancer ou reculer le futur. Les keynésiens n'arrêtent pas de penser au risque d'un manque de croissance. Comme il n'y a pas assez de croissance selon eux, ils font baisser les taux d'intérêt pour aller prendre la croissance de demain, si bien que plus personne n'investit avec un risque dans dix ans.
On aboutit, à cause des taux zéro, à une mauvaise allocation du capital, lequel se retrouve dans les mêmes biens surcotés, notamment immobiliers. Le présent devient surévalué, le futur sous-évalué (voire, à terme, inexistant, car n'entrant plus en compte dans les calculs économiques et politiques). D'où Emmanuel Macron qui, en l'espace de deux ans, veut rouvrir les centrales nucléaires qu'il voulait fermer.
La notion de taux d'intérêt a été capturée par le personnel politique, de façon à favoriser le court terme en vue d'une réélection à court terme. Plus personne ne prend alors en compte le long terme, sauf, à la rigueur, dans la perspective de la réélection d'après. Encore faut-il avoir un mandat possible. Toujours est-il que la manipulation des taux d'intérêt favorise la survalorisation du présent au détriment du futur.
Des taux d'intérêt élevés permettent au contraire au capital d'aller vers les biens qui ont une rentabilité très forte, mais un peu plus tard. Dans les années 1978-1982, l'inflation était à 12, 13, 14 aux États-Unis. Erreur de l'époque : bloquer le crédit, considérant qu'il y en avait trop (voir aussi le contrôle du crédit en France sous Valéry Giscard d'Estaing), d'où une récession et une baisse panique des taux d'intérêt.
L'économie repartait avec l'accès au crédit, d'où l'inflation évoquée à l'instant, à laquelle Paul Volcker (le président de la Réserve fédérale à l'époque) répondit par des taux d'intérêt à 20 sur le court terme, les taux sur les obligations à dix ans étant à 15. Le marché des obligations avait explosé : une obligation qui valait cent à 8 % valait cinquante peu après, alors que le marché obligataire sert à sécuriser.
C'est sur le marché obligataire, en effet, que repose la garantie des compagnies d'assurance et du paiement des retraites. D'où, dans l'exemple donné, un véritable krach obligataire. Un zéro-coupon ne permettant pas au détenteur de l'obligation de percevoir de coupon pendant la vie du titre, on peut subir une volatilité qui, cependant, se réduit au fur et à mesure que l'on s'approche de l'échéance.
La comptabilité en partie double et l'escompte permettent, en résumé, de comprendre le fonctionnement du système. Le taux d'intérêt étant, d'après tous les bons économistes, le prix auquel l'offre d'épargne et la demande d'épargne se retrouvent, c'est aussi le mécanisme qui empêche les mauvais gérants d'accéder au capital. Donc, avec des taux d'intérêt à zéro, on fait barrage à la création destructrice.
Les taux d'intérêt à zéro sont l'équivalent de l'absence du cœur du capitalisme, qui est dans le fond un système darwinien : si l'on constitue des stocks pour des affaires vouées à disparaître, on entre dans un système où il n'y a plus le mécanisme permettant l'allocation rationnelle du capital, car l'allocation se fait en fonction soit d'une richesse déjà possédée, soit des politiques. Dans les deux cas, le capitalisme bugge.
À quoi sert l'épargne ? Elle sert à payer des gens qui, pendant un temps assez long, ne vont rien faire de rentable avant que ne soit bâtie une centrale nucléaire. On imagine l'épargne comme un phénomène monétaire, mais en contrepartie certains sont payés par l'épargne pour nous permettre de devenir plus riches plus tard. Si l'épargne baisse, cette capacité d'approfondissement capitalistique n'a plus lieu.
La notion d'approfondissement capitalistique est également importante. Il faut mettre de l'argent de côté pour être en mesure de payer des gens qui, par leur travail, mettent en place une affaire qui deviendra ensuite rentable. En diminuant l'épargne d'un côté, on porte atteinte à l'emploi de l'autre, d'où une baisse de la productivité ainsi qu'un appauvrissement général, caractérisé par l'absence de création de richesse.
La notion d'épargne est certes financière, mais aussi en lien avec la rémunération du travail. La plus grosse épargne financière résidait dans notre système éducatif : on payait des jeunes pendant vingt ou vingt-cinq ans pour qu'ils deviennent des ingénieurs de qualité ; maintenant, quand le cas se présente, on assiste à une fuite des cerveaux. Les formations sans débouché consomment l'épargne et ne rapportent rien.
Si, d'un côté, on fait baisser la valeur de l'épargne en mettant les taux d'intérêt à zéro (ce qui n'est pas incitatif), et que, d'un autre côté, on utilise le stock d'épargne pour financer des formations qui ne débouchent sur aucun travail, alors la baisse de la croissance se confirme. Le système suisse considère entre 20 et 25 % de formations à valeur ajoutée, le reste des jeunes étant formé le plus tôt possible en entreprise.
L'idée selon laquelle tout le monde doit suivre des études jusqu'à dix-huit ans revient à dire que l'épargne est gaspillée, car employée pour des profils qui ne savent pas l'utiliser. Une des réussites de la Suisse est d'avoir su monter un système où l'épargne la plus importante va certes dans l'éducation, mais de façon rentable. Les taux d'intérêt ne doivent pas être manipulés par des politiques qui n'y connaissent rien.
En manipulant les taux d'intérêt à la baisse en France, on arrive à une situation où tous ceux qui allaient être payés par le produit de l'épargne se retrouvent sans travail. Penser que la baisse des taux d'intérêt permet de relancer la consommation est une erreur, car on aboutit à des faillites, sans compter le service de la dette : augmenter les taux pour rembourser la dette rend l'économie ingérable.
Contrairement aux États-Unis, qui peuvent dévaluer le dollar, en France on est bloqué avec l'euro. Et même si les taux d'intérêt reviennent à 7, il faudra réformer l'État pour réduire son coût. John Menard Keynes, en réponse à ses détracteurs, disait que, à long terme, nous sommes tous morts. Mais Keynes est mort, et nous sommes dans le long terme. On impose les talents pour payer ceux qui les enterrent.
L'outil dont le gouvernement et la banque centrale se servent pour faire bugger le système capitaliste, c'est la manipulation des taux d'intérêt et des taux de change, du fait de son impact sur la demande géographique et la demande temporelle, en vue d'avantages uniquement à court terme, ce qui ne peut en aucun cas fonctionner, comme toute l'histoire le montre. On a été mené en bateau.
Il faut, si possible, constituer une épargne individuelle hors de ce système dysfonctionnel, pour se protéger de ce dernier. L'épargne française officielle, en 2023, n'a aucune valeur. Rien ne sert de manifester pour les retraites car, dans la réalité économique actuelle, on est parti pour continuer à travailler toute notre vie. Les taux d'intérêt sont bas aujourd'hui à cause de mauvaises décisions politiques.
Le gouvernement a détruit les banques, lesquelles ne peuvent plus payer de taux d'intérêt attractifs à leurs clients. Les bugs du capitalisme viennent toujours de la tentation excessivement étatiste de manipuler la géographie et le temps. Les politiques ne devraient pas avoir une telle influence sur un système monétaire qui ne relève pas de leur domaine de compétence, et cela n'a rien à voir avec le libéralisme.
On n'a pas pris de marché pour les taux d'intérêt, on n'a pas pris de marché pour les taux de change, on est incapable de contrôler la dépense étatique, et le poids de l'État dans l'économie est excessif. Il n'y a de libéralisme ni dans le pourcentage de l'État dans le PIB, ni dans les dépenses publiques, ni dans notre rapport à l'euro. Le seul pays un peu libéral est la Suisse, qui s'en porte bien.